Le Philharmonique de Strasbourg rend hommage à Marie Jaëll
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Strasbourg. Salle Bastide de l’Opéra du Rhin. 18-VI-2025. Marie Jaëll née Trautmann (1846-1925) : Quatuor à cordes en sol mineur ; Maurice Ravel (1875-1937) : Quatuor à cordes en fa majeur. Ariane Lebigre et Kai Ono, violons ; Anne-Sophie Pascal, alto ; Pierre Poro, violoncelle
La compositrice alsacienne Marie Jaëll est à l'honneur cette année, pour le centième anniversaire de sa disparition. Mais l'effort fait en Alsace pour rendre à cette artiste remarquable la place qui lui revient reste modeste.
Certes, on a à Strasbourg une rue Marie Jaëll, une salle de concert Marie Jaëll, mais pour découvrir son œuvre, on a seulement quelques disques de qualité inégale, et toujours très peu de programmation. Marie Trautmann, pianiste virtuose et épouse d'Alfred Jaëll également pianiste prodige, s'est surtout consacrée à la musique de chambre et à celle pour piano. Un seul opéra, pas d'oratorio, trois concertos mais pas de symphonie pour grand orchestre. C'est un cycle complet de musique de chambre et de Lieder/mélodies qu'il eût fallu organiser, pour faire mieux connaître sa production foisonnante, originale et distinguée. On est néanmoins reconnaissant à l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg (OPS) d'inclure dans sa programmation de musique de chambre 2024/2025 le ravissant quatuor à cordes, en 2025/2026 le trio Dans un rêve pour piano, violon et violoncelle, et de participer à deux concertos au temple Saint-Guillaume en septembre à Strasbourg. Notons encore un prochain concert d'Adam Laloum dans le cadre du Nouveau Festival Rhénan de Strasbourg.
Ce soir, c'est le Quatuor à cordes en sol mineur qui nous est proposé, dans la version princeps avant que la compositrice ne le retravaille et qu'il ne devienne un quatuor avec piano. Nous découvrons une musique de haute qualité, structurée très traditionnellement en quatre mouvements. L'allegro démontre d'emblée une inventivité mélodique remarquable, les différents thèmes exposés semblant naître les uns des autres dans une cohérence d'ensemble magnifique. L'andante, appuyé sur un balancement rythmique subtil et profond, invite à une méditation de toute beauté. La construction se poursuit, avec un scherzo frétillant et un finale éblouissant. La musique de Marie Jaëll, amie de Liszt et de Saint-Saëns, est toujours à considérer comme du romantisme tardif. La presse de 1875 a qualifié ce quatuor de « large, sévère et original », et ce jugement semble assez juste encore de nos jours. Mais il faut rajouter sa grande richesse, sa lisibilité parfaite et toujours une étonnante sérénité. Les artistes de la soirée sont des instrumentistes du rang de l'OPS. Leur instrumentarium est certes de qualité honorable mais sans rien d'exceptionnel, sauf peut-être le velouté discret du violoncelle de Pierre Poro. Leur cohésion, leurs équilibres sont de haute tenue : personne ne domine, personne n'est à la traine, tous les quatre sont pleinement investis pour rendre dignement justice à ces très belles pages de Marie Jaëll.
Le Quatuor de Ravel n'a pas besoin, lui, d'être défendu. Ses raffinements d'écriture, les bourdonnements et les fines effervescences du mouvement II qui le rattachent à l'impressionnisme de Debussy l'ont rendu célèbre. On note la belle énergie et le plaisir communicatif du quatuor de la soirée, et surtout, on remarque que le Quatuor de Marie Jaëll fait très bonne figure dans la proximité immédiate de ce chef d'œuvre de Ravel. Ce qu'il fallait (et qu'il faut encore…) démontrer.
Crédits photographiques © Grégory Massat – Orchestre Philharmonique de Strasbourg
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